mercredi 21 janvier 2009

Suivre sa conscience : article du BLE

Suivre sa conscience :
quand « liberté de conscience », « vérité » et « bien » sont indissociables
Tanguy Marie Pouliquen, Communauté des Béatitudes
Institut Catholique de Toulouse, Juin 2007
tanguy.marie@belgacom.net


Projet d’article

Résumé : La conscience est considérée dans cet article sous l’angle de l’anthropologie morale fondamentale. Si l’homme est appelé en dernière instance à suivre le jugement de sa conscience, son premier devoir n’en reste pas moins d’accepter « d’être une conscience » et de la former. S’il est responsable devant sa conscience, il est aussi responsable de sa conscience. A la lumière de l’encyclique Veritatis Splendor et du magistère de l’Eglise, mais aussi de John Henry Newman et de Joseph Ratzinger, l’auteur entend souligner l’importance de ne pas séparer la liberté de conscience de son rapport à la vérité du Christ et au bien déterminés par la loi. Selon la théologie morale de la construction de la personne, cette implication réciproque rassemble les éléments d’une vraie croissance de la liberté. Tout en montrant la limite de l’encyclique concernant la vertu de prudence, l’auteur souligne, contre toute forme de subjectivisme, le lien entre la conscience, l’obéissance et le renoncement à soi-même pour que se manifestent les fruits de l’Esprit.

Introduction

Les rapports intimes entre la loi et la conscience, la liberté, la vérité et le bien, tracent la ligne de crête de la théologie morale lorsqu’elle est finalisée par la construction de la personne. Cette perspective spécifique détermine une relation dynamique entre le sujet, en quête de liberté, et l’objet de son vouloir, le bien finalisé par le plus grand bien qui est Dieu lui-même. L’homme se construit en s’engageant pour et avec son Créateur. Selon cette orientation éthique, la conscience joue un rôle particulier, celui d’un intermédiaire incontournable. Si la conscience est le dernier juge de la vie morale, elle n’est pas le juge suprême. La conscience sera jugée par Dieu, ce qui augure de sa responsabilité. Si tout homme est responsable devant sa conscience, il est aussi responsable de sa conscience[1].
La « conscience » fait profondément partie du vocabulaire chrétien. L’Apôtre des Nations utilise quatorze fois dans ses épîtres le terme de « conscience » qu’il introduit d’ailleurs dans le Nouveau Testament[2]. Elle est un « savoir avec », « un savoir partagé », jamais pure autonomie, mais toujours « dialogue » avec l’Esprit-Saint, un seul à seul avec Dieu, présence d’amour infinie et juge suprême : « Quant à moi, il m’importe fort peu d’être jugé par vous ou par un tribunal humain. Bien plus, je ne me juge pas moi-même. Ma conscience, il est vrai, ne me reproche rien, mais je ne suis pas justifié pour autant : mon juge, c’est le Seigneur. Ainsi donc, ne portez pas de jugement prématuré. Laissez venir le Seigneur : c’est lui qui éclairera les secrets des ténèbres et rendra manifestes les desseins du cœur. Et alors, chacun recevra la louange qui lui revient » (1 Co 4, 1.5). C’est toujours en relation avec la présence de Dieu que le saint situe positivement la conscience.
Mais la conscience ne s’évanouit devant la présence divine, elle n’est pas étrangère mais toujours « mienne », relevant d’un acte libre que personne ne peut ravir ; il en est de même pour le païen : « Car pourquoi, demande l’Apôtre dans une question dont il faut saisir la force, pourquoi ma liberté relèverait-elle du jugement d’une conscience étrangère » (1 Co 10, 29). La conscience ne s’impose pas du dehors, elle est une décision personnelle qui n’est pas réservé aux chrétiens, mais elle est l’apanage de tout homme ouvert à la loi naturelle : « Quand les païens, privés de la loi, accomplissent naturellement les prescriptions de la loi, ces hommes se tiennent à eux-mêmes lieu de loi : ils montrent la réalité de cette loi inscrite dans leur cœur ; à preuve, le témoignage de leur conscience, ainsi que les jugements intérieurs de blâme ou d’éloge qu’ils portent les uns sur les autres » (Rm 2, 13-15). La conscience n’est pas pour autant indépendante, elle ne supprime pas l’obéissance notamment aux autorités tout en ne se laissant pas conduire par la peur : « Aussi doit-on se soumettre, non seulement à cause du châtiment, mais par motif de conscience. N’est-ce pas pour cela que vous payez vos impôts ? » (Rm 13, 5). Donnée par Dieu et finalisée par lui, la liberté de conscience n’est jamais absolue en elle-même, mais toujours invitation pour le chrétien à demeurer par l’Esprit dans la vérité du Christ qui le rend libre : « C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés » (Ga 5, 1).
La définition de la conscience morale, comme conscience droite, et de la liberté, comme liberté heureuse (relative au bien qui rend bon), s’inscrit dans la perspective de l’homme créé à l’image de Dieu et destiné à lui ressembler : celui-ci accomplit sa vocation dans la participation à la béatitude divine et répond librement à l’appel du bonheur par des actes bons attestés par sa conscience. Sa croissance se fait par les matériaux de la vie sensible, spirituelle et les vertus avec l’aide de la grâce, en évitant le péché et en s’en remettant à la miséricorde de Dieu le Père[3].
Contre toute forme « d’autoritarisme » (vérité sans liberté) ou « subjectivisme » (liberté sans vérité), notre réflexion sur la conscience rappellera comment la liberté et la conscience – comme liberté de conscience – ne sont pas des notions indépendantes, mais qu’elles existent toujours dans le devenir d’une personne en relation avec Dieu et les autres. Il s’agit donc de les penser dans une dynamique, en montrant que leur origine et leur finalité déterminent leur croissance qualitative. A la suite de Veritatis Splendor[4], l’anthropologie morale fondamentale détermine un lien nécessaire entre la liberté et la conscience morale parce qu’il existe un lien direct entre la vérité, le bien et la liberté. Le devoir ultime de suivre sa conscience est donc dépendant de l’engagement de la liberté, de la recherche de la vérité, de la finalité du bien destiné à être mis en œuvre. L’enjeu d’une telle approche est d’impliquer le sujet dans l’acte morale qu’il pose, ce qui augure de sa responsabilité mais aussi de sa croissance personnelle : le bien fait du bien ! Suivre sa conscience, comme devoir ultime de tout homme, signifie suivre le soleil de la vérité et faire le bien qui rend bon (III.), mais cela implique préalablement d’accepter sa conscience (I.) et de la former (II.).

I. Le préalable : accepter sa conscience

Un homme ne peut devenir ce qu’il est profondément sans reconnaître et accepter la voix de sa conscience. La liberté de conscience caractérise la dignité de la personne humaine. Elle lui parle de ce qu’il est et de ce qu’il doit faire. Elle est une conscience d’amour[5], c'est-à-dire qu’elle se découvre donnée à elle-même par un amour qui la précède : elle est gardienne de la mémoire d’une présence[6] qui interpelle et personnalise[7].
La conscience a un rôle primordial : elle est un sanctuaire inviolable. La tradition de l’Eglise la représente même comme le « premier vicaire du Christ »[8], c'est-à-dire son serviteur le plus immédiat, car elle appartient à l’intimité de la personne en étant son centre le plus profond à partir duquel Dieu lui parle. Néanmoins, cela ne doit pas l’assimiler à une source de sentiments. Elle est avant tout un jugement de l’intelligence, de la raison, sur des choix concrets qu’elle reconnaît et approuve comme bons. C’est pourquoi elle n’est pas seulement une conscience psychologique, car elle engage la responsabilité de la personne, c'est-à-dire irrémédiablement sa liberté. L’être humain doit toujours suivre le jugement certain de sa conscience : elle est le messager qui lui parle du bien à faire et du mal à éviter. La conscience a des droits irrévocables, mais elle a en premier lieu des devoirs. Pour les réaliser, elle doit commencer par accepter d’être ce qu’elle est : une conscience, le premier serviteur de Dieu.

1. L’irréductiblité de la conscience : Antigone et Newman

Antigone chez Sophocle enterre son frère Polynice malgré l’interdit du roi Créon, son oncle, que lui rappelle sa sœur Ismène. Dans la guerre des Sept Chefs, ses deux frères, Etéocle et Polynice, se trouvaient dans des camps opposés, le premier dans le camp thébain, le second dans l’armée adverse. Tous les deux en viennent à s’affronter lors des combats devant la ville et meurent la main dans la main. Créon, le roi de Thèbes, ordonne des funérailles solennelles pour Etéocle, mais interdit qu’on ensevelisse son autre neveu, dont le cadavre est laissé à la vue de tous, hors de la ville. Antigone refuse de se soumettre. Elle dit à Créon : « Je ne pense pas que tes décrets soient assez forts pour que toi, mortel, tu puisses passer outre aux lois non écrites et immuables des dieux. Elles n’existent ni d’aujourd’hui, ni d’hier, mais de toujours ; personne ne sait quand elles sont apparues » (Antigone 453-457). Antigone pose ici un acte d’objection de conscience, en raison de la conscience qu’elle a de la volonté des dieux, contre les décrets passagers du pouvoir temporel. Faute d’arriver à convaincre Créon, Antigone accepte de mourir sans se plier au décret, enfermée vivante dans le tombeau des Labdacides. Elle est poussée à obéir à la voix de sa conscience, sanctuaire des dieux.
Avec la modernité et ses interprètes, le rôle de la conscience est affirmé comme incontournable mais en la détachant de sa perspective morale[9]. Dépassant cette séparation, John Henry Newman unifie la subjectivité à la moralité.
Anglican, grand érudit, universitaire, J.-H. Newman est passé à l’Eglise Catholique au milieu du XIXe siècle. Il a influencé les travaux de Vatican II, notamment dans le domaine de l’anthropologie morale. Evénement rare, tous ses écrits d’avant sa conversion seront acceptés par sa nouvelle Eglise. Dans le contexte de Vatican I (notamment en ce qui concerne l’infaillibilité pontificale[10]) ce grand théologien anglais présente la voix de Dieu en nous, la conscience, comme le premier vicaire du Christ avant le premier des serviteurs des serviteurs de Dieu qu’est le pape, lui aussi vicaire du Christ : « La conscience est une loi de notre esprit, mais qui dépasse notre esprit, qui nous fait des injonctions, qui signifie responsabilité et devoir, crainte et espérance […]. Elle est la messagère de Celui qui, dans le monde de la nature comme dans celui de la grâce, nous parle à travers le voile, nous instruit et nous gouverne. La conscience est le premier de tous les vicaires du Christ »[11].
La conscience est l’écho de Dieu : « La conscience, on peut la voir de deux façons : ou bien simplement comme une sorte de sens de la rectitude, une inclination en vertu de laquelle on sait décider entre faire ceci ou faire cela ; ou bien l’écho de la voix de Dieu. Et tout dépend de cette distinction, car la première façon n’a pas à voir avec la foi, tandis que l’autre appartient à la foi » (Sermon, 29-5-1859). La primauté de la conscience s’exprime pour lui en ces termes imagés : « Si, après un dîner, on veut me faire porter un toast religieux (ce qui en fait ne semble pas très indiqué) je boirai – au pape, s’il vous plaît –, mais d’abord à la conscience, et au pape en second »[12]. La conscience est première par rapport au pape, mais ce que dit le pape éclaire la conscience, afin qu’elle puisse prononcer un jugement certain.
Newman dans son ouvrage majeur Apologia pro vita sua écrit une phrase désormais célèbre : « Moi-même et mon Créateur »[13]. Loin d’être une forme d’individualisme, cet égotisme (affirmation irréductible de soi) signifie seulement que l’homme s’identifie à un sentiment de possession de soi, de maîtrise intérieure, qui lui assure, contre toute forme d’idéologie, la fidélité à sa propre conscience. Le piège de l’idéologie est de réfléchir indépendamment de la profondeur de l’être personnel, c'est-à-dire sans références aux limites que l’homme perçoit en lui-même : « Lorsque nous sommes tentés de porter un jugement sur les rapports de Dieu et des hommes, ne pensez-vous pas que nous ferions bien d’examiner d’abord ses rapports avec nous-mêmes ? Nous ne savons rien des autres, mais de nous-mêmes nous pouvons savoir quelque chose et nous savons qu’il s’est toujours montré plein de bonté pour nous ». Contre toute méprise sur la centralité de la conscience, il est nécessaire de souligner que si elle joue un rôle central dans sa pensée, c’est parce qu’elle est liée à la « centralité antérieure de la notion de vérité et n’est compréhensible qu’à partir d’elle »[14].
Ce qui compte pour Newman, c’est de saisir l’intériorité, la vérité mystérieuse de son moi personnel avant tout discours formel sur Dieu et le monde. L’homme doit d’abord se mettre en quête de son âme : « L’homme qui est entré en lui-même vit la réalité de son mystère. Il ne peut plus échapper à son moi sans se trahir. Dans la fidélité de la conscience, il s’ouvre à la relation à Dieu et à autrui, et toute relation participe également au mystère de l’existence »[15].

2. Vatican II : la conscience morale au centre de l’agir chrétien

Le Concile Vatican II, en réaction d’ailleurs aux schémas préparatoires[16], affirme le rôle central de la conscience. Elle est un sanctuaire, c’est pourquoi elle est inviolable et sa fonction est décisive pour le bien de l’homme. Elle est le dernier juge sans pourtant être le juge suprême, c’est pourquoi elle doit être une conscience droite, conforme au bien. Le Concile, confirme dans sa Déclaration sur la liberté religieuse, Dignitatis humanae, la dignité inaltérable de la personne humaine :

« C’est par sa conscience que l’homme perçoit et reconnaît les injonctions de la loi divine ; c’est elle qu’il est tenu de suivre fidèlement en toutes ses activités, pour parvenir à sa fin qui est Dieu. Il ne doit donc pas être contraint d’agir contre sa conscience. Mais il ne doit pas être empêché non plus d’agir selon sa conscience surtout en matière religieuse »[17].

La Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps, Gaudium et spes, rappelle quant à elle la centralité de la conscience.
« Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée à lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur : ‘fais ceci, fais cela’. Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. C’est d’une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui s’accomplit dans l’amour et dans le prochain […]. Plus la conscience droite l’emporte, plus les personnes et les groupes s’éloignent d’une décision aveugle et tendent à se conformer aux normes objectives de la moralité. Toutefois, il arrive souvent que la conscience s’égare, par suite d’une erreur invincible, sans perdre pour autant sa dignité. Ce que l’on ne peut dire lorsque l’homme se soucie peu de rechercher le vrai et le bien et lorsque l’habitude du péché rend peu à peu sa conscience presque aveugle »[18].
Ce texte continue en présentant la grandeur de la liberté (de conscience) tout en soulevant aussi son mauvais usage. Il n’y a pas d’acte bon sans elle :
« Mais c’est toujours librement que l’homme se tourne vers le bien. Cette liberté, nos contemporains l’estiment grandement et ils la poursuivent avec ardeur. Et ils ont raison. Souvent cependant ils la chérissent d’une manière qui n’est pas droite, comme la licence de faire n’importe quoi, pourvu que cela plaise, même le mal. Mais la vraie liberté est en l’homme un signe privilégié de l’image divine. Car Dieu a voulu le laisser à son propre conseil (cf. Eccl 15, 14) pour qu’il puisse lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à lui, s’achever ainsi dans une bienheureuse plénitude »[19].
La dignité de l’homme est d’être libre et d’avoir une conscience. Celle-ci existe indépendamment des événements du monde, c'est-à-dire qu’elle est toujours présente quelles que soient les circonstances de la vie. L’homme doit la suivre, mais il a comme premier devoir de la former pour qu’elle devienne réellement une conscience morale, la conscience du bien conforme à la voix de Dieu.

II. Le premier devoir : former sa conscience

La conscience est éclairée par la vérité, pour autant qu’elle l’accepte ! L’enjeu est de taille, car la vérité rend libre. Celle-ci est discernée par le travail de la raison, c'est-à-dire en anthropologie morale par la conscience. Elle objectivise la réalité, ce qui signifie qu’elle met en évidence non seulement sa valeur mais aussi sa vérité. L’Eglise affirme que la vérité est splendide, elle est belle et donc que les valeurs se donnent à voir pour être contemplées et mises en œuvres. Mais comment voir ? L’union à Dieu apprend à reconnaître ce qui est bon tandis que la conscience laissée à elle-même est fragile, elle est comme un vase creux rempli d’eau qui attend ses fleurs. Toute conscience est dépendante de ce qui lui est donné, c'est-à-dire fondamentalement du lien qui existe entre la vérité, le bien et la liberté. La conscience droite respecte la vérité de la loi. L’intérêt de cette affirmation est actualisé par l’enseignement de Jean-Paul II. De manière synthétique, l’encyclique Veritatis Splendor, littéralement « splendeur de la vérité », souligne l’existence d’un rapport intime entre la vérité – le bien – la liberté. Le rapport nécessaire de la vérité et de la liberté se comprend selon une perspective spirituelle, c'est-à-dire ouverte à l’accueil de la grâce. Le premier devoir de la conscience est de former[20] son jugement.

1. La créativité de la conscience remise en question

La seconde partie de Veritatis Splendor présente ses destinataires[21]. Il convient ici de les énumérer. Originaires principalement d’Allemagne et des pays anglo-saxons, ces philosophes et théologiens ont conçu trois théories[22] qui ont « bouleversé en leur pays le paysage de la théologie fondamentale ». On distingue ainsi :
La théorie du proportionnalisme qui est fondée dans l’utilitarisme et plus particulièrement dans son aspect de « conséquentialisme ». Elle évalue la qualification morale non de l’intérieur de l’acte, comme le présente l’encyclique, mais seulement à partir de ses conséquences extérieures selon qu’elles sont convenables ou inconvenantes : « La moralité de l’action s’appréciera, donc, selon la proportion entre la valeur honorée et l’intention qui la vise. Tout choix moral, implique pour des raisons proportionnées, le renoncement à certains biens »[23].
La théorie de l’option fondamentale, majoritaire dans la théologie catholique actuelle, différencie deux sortes d’actes qui déterminent deux niveaux de moralité, le pré-moral qui n’engage pas la personne dans le plus profond d’elle-même, le niveau moral qui seul peut qualifier les actes de bons ou de mauvais[24]. L’encyclique refuse la fracture de l’agir humain et confirme la distinction classique des péchés mortels et véniels.
La théorie de la conscience morale aboutit quant à elle à une création des valeurs dont la conscience apprécierait en dernière instance la pertinence. La conscience formule dans ce cas elle-même la loi à laquelle elle se réfère, alors que pour l’Eglise, elle ne « joue pleinement son rôle que dans la mesure où elle demeure ouverte à la transcendance de la loi morale »[25]. C’est en ce sens que nous dirons que le rapport nécessaire de la vérité à la liberté est un rapport objectivé par la vérité avec la loi morale pour médiation, c'est-à-dire comme intermédiaire obligé.

2. Vérité et liberté : un lien intrinsèque

Jean-Paul II propose moins une théologie de la liberté, qu’il ne rappelle des principes de base qui fondent la vision chrétienne de la liberté[26].
Le Catéchisme de l’Eglise Catholique en premier lieu définit une liberté finalisée par la vérité : « La liberté est le pouvoir, enraciné dans la raison et la volonté, d’agir ou de ne pas agir, de poser ainsi par soi-même des actions délibérées. Par le libre arbitre, chacun dispose de soi. La liberté est en l’homme une force de croissance et de maturation dans la vérité et la bonté. La liberté atteint sa perfection quand elle est ordonnée à Dieu, notre béatitude »[27]. Il n’est donc pas possible de séparer la liberté de la conscience droite.
L’Eglise Catholique lie la croissance de la liberté à la mise en œuvre du bien : « Plus on fait le bien, plus on devient libre : il n’y a de liberté vraie qu’au service du bien et de la justice »[28]. L’Ecriture va dans le même sens : « Fais ce qui est bien et tu auras une habitation pour toujours » (Ps 36). Ainsi l’autonomie tant revendiquée par l’homme moderne doit être située, non dans le cadre d’une liberté qui dans la conscience s’opposerait à une loi qui n’est pas la sienne, mais comme une réelle autonomie morale, à comprendre « comme une participation à l’autonomie souveraine de Dieu »[29]. La liberté a besoin de la loi de Dieu, hétéronomie, « comme d’un pédagogue et d’un soutien, et de la conscience comme d’une lumière intime pour découvrir le vrai bien et grandir dans la vérité »[30]. Le pluralisme moral identifié dans la créativité de la conscience, remet quant à lui en question le rapport de la foi et de la morale, de la liberté et de la vérité. Les deux dimensions ne sont pas dissociables.
Par ailleurs, Veritatis Splendor met peu en valeur la médiation de la conscience comme norme ultime – et non suprême car la conscience est jugée par Dieu – de la morale. Sans remettre en cause cette vérité d’anthropologie morale, cette absence s’explique par l’accent mis par l’encyclique sur le lien nécessaire entre la liberté, le bien et le vrai, en réaction d’ailleurs aux théories de l’autonomie de la conscience. Le texte magistériel rappelle néanmoins la nécessaire convergence entre la liberté, la loi, la conscience qui ne s’opposent pas mais « sont appelées à se pénétrer »[31]. La conscience est cette étincelle spirituelle indestructible, « cette lumière originelle sur le bien et le mal » qui éclaire le cœur de l’homme, ce que les scolastiques appelaient la « syndérèse » et que Joseph Ratzinger[32] appelle « anamnèse » : « Ce que l’on pourrait appeler la première couche ontologique de la conscience réside dans le fait que quelque chose qui s’apparente à un souvenir originel du bien et du vrai […] a été gravé en nous »[33]. Comme « norme immédiate » des actes concrets, elle est « le témoin et l’agent de la lumière intérieure qui s’exprime dans la loi naturelle, ‘norme universelle et objective de la moralité’ »[34].
La conscience morale fait le lien entre la liberté, la vérité et le bien, tandis que les théories dites de la conscience morale font de celle-ci une instance créative en réaction à une pure application des normes. Ces théories regardent le magistère comme n’offrant que des perspectives générales ou n’ayant qu’une valeur spéculative et non pratique. Pour le magistère, la conscience est le témoin de la fidélité de l’homme par rapport à la loi qui définit les exigences objectives. Elle est une reconnaissance et non pas une négation : « Elle est pour ainsi dire le sens intérieur, une capacité à reconnaître, de sorte que l’être humain qui se sent appelé et ne se cache pas à l’intérieur de lui en reconnaît l’écho. Il constate : c’est la direction que mon être indique et c’est là qu’il veut aller »[35]. Le jugement de conscience ne définit pas la loi, mais atteste l’autorité de celle-ci et se laisse attirer par le bien suprême. Elle fait le lien entre la vérité et la liberté.

3. Le rapport objectif de la liberté à la vérité : la conscience mesurée par la loi

Le rapport objectif entre la loi et la conscience témoigne de la possibilité d’ordonner à Dieu l’objet de l’acte bon. Il montre que l’action n’est pas indépendante de son contenu. La personne qui agit est confrontée à la loi dont le but est de protéger le déploiement de la vie. La loi rappelle que l’homme n’est jamais un être isolé, mais qu’il se situe toujours en face d’une différence, celle du bien à faire aux autres.
L’objectivité de la liberté est condition de son perfectionnement. Ce qui est en jeu ici est la nature même de la recherche du bien : permet-il ou non la perfection, c'est-à-dire la transformation de la personne ? Le mal fait du mal ! Le bien fait du bien ! Il rend bon. Nous savons maintenant qu’un certain nombre de théories valorisent à l’excès l’intention subjective (la théorie de l’autonomie de la conscience) tandis que d’autres mettent l’accent sur les circonstances (à savoir les « éthiques téléologiques » que sont le proportionnalisme et le conséquentialisme). Elles négligent en fait l’objet de l’acte c'est-à-dire son contenu. En théologie morale « l’objet désigne le terme de la volonté délibérée »[36]. L’objectivité de l’acte est éclairée par la loi qui est fondamentalement une loi d’amour. Ainsi « quand l’Apôtre Paul résume l’accomplissement de la Loi dans le précepte d’aimer son prochain comme soi-même (cf. Rm 13, 8-18), il n’atténue pas les commandements, mais il les confirme, puisqu’il en révèle les exigences et la gravité »[37].
Par la conformité de l’objet de l’acte à la loi de Dieu, l’acte humain peut réaliser dans la personne agissante la perfection visée : « Il réalise […] les exigences de la vérité objective de son être personnel en tant que tel »[38]. La moralité n’est pas extrinsèque à la personne, mais lui est intrinsèque en tant qu’elle la fait participer à la vie même de Dieu. Faire le bien « fait du bien » car cela rend conforme (acte = conscientia) la personne à ce pourquoi elle est faite (mémoire = anamnèse). En faisant le bien, la personne participe donc à la bonté du bien qui rend bon. La liberté humaine qualifiée par le bien devient une « liberté de qualité ». Telle est la cohérence de la morale du bonheur[39].
L’intention et les conséquences ne peuvent donc ni éliminer, ni rendre second l’objet de l’acte, même s’ils sont eux aussi nécessaires pour déterminer l’imputabilité, le degré de culpabilité ou de responsabilité. La correspondance entre la liberté (condition subjective de l’acte moral), la vérité (la perfection de Dieu visée dans l’acte) et le bien (l’objet dans sa correspondance à la loi) est source de perfectionnement, d’un cheminement de l’image vers la ressemblance : « Son être grandit et s’enrichit »[40]. L’absence de ce lien nécessaire rendrait toute « libération » vaine. La loi morale doit être objective, car il n’y a pas de scission entre l’objet et sa mise en œuvre dans l’action. La loi morale (objective) protège la liberté (subjective). Cette objectivité n’a pas à être considérée dans son aspect extrinsèque, c'est à dire formel, juridique. Elle souligne seulement que la raison enveloppe la volonté libre. Le rôle de la raison est ici déterminant, car c’est elle qui « à partir des tendances constitutives inscrites par le Créateur dans notre être à l’image de Dieu, formule et énonce la loi morale »[41]. Les choix moraux ne jaillissent pas de l’irrationnel ; la liberté spirituelle n’est pas indépendante de la bonté de l’acte.
La liberté est donc raisonnée. Elle est déterminée par la correspondance à la loi dans le jugement de conscience : ainsi « en intimant la loi morale, la raison qualifie l’objet de l’acte comme lui étant ou non conforme »[42]. C’est en ce sens que l’on peut comprendre l’affirmation de Veritatis Splendor : « La moralité de l’acte humain dépend avant tout et fondamentalement de l’objet raisonnablement choisi par la volonté délibérée »[43].

III. Le devoir ultime éclairé : suivre sa conscience

L’encyclique Veritatis Splendor rappelle l’importance déterminante de la raison dans la qualification morale d’un acte humain, afin de montrer notamment que les « actes intrinsèquement mauvais » ne sont par leur objet jamais conformes à l’amour de Dieu, ce qui ouvre la voie à l’objection de conscience[44]. La vie d’un enfant (à naître) n’est jamais un bien pré-moral. Néanmoins, contre toute peur d’un retour du moralisme, cette objectivité de la loi ne doit pas conférer « à nouveau » à la prédication morale le fait d’être « chosifiante », « légaliste », c'est-à-dire seulement attentive à la faute sans prendre en compte l’intention et les circonstances[45], en deux mots, la vie concrète des personnes. L’encyclique opère seulement un réajustement et non à un retour avant Vatican II. Elle le fait avec un grand souci pédagogique.
La formation de la conscience est réalisée par la grâce et par la loi. Cette dernière éclaire la conscience, qui reconnaît en elle l’appel du bien en tant qu’il est l’expression de la vérité. Mais contre toute forme de légalisme, la loi ne s’impose pas d’elle-même mais engage la conscience à la ratifier et à prendre la décision pratique de faire le bien. Elle seule engage la personne et son existence dans la recherche du bien, la communion entre les hommes. Elle est le lieu du discernement et du choix du bien en étant une puissance de jugement jamais affranchie de la vérité : « Elle est toujours et seulement ‘dans’ la vérité »[46]. Mais comment l’éclairer pour qu’elle reconnaisse sa réelle destination ? Telle est la question du passage de la théorie à l’action. Comme la vérité morale est une vérité pratique, il faut à un moment prendre une décision et l’exécuter !

1. Jugement de conscience et jugement de prudence : la nécessaire créativité pratique

« Seule la liberté qui se soumet à la vérité conduit la personne humaine à son vrai bien. Le bien de la personne est d’être dans la vérité et de faire la vérité »[47]. Voilà le noyau central de l’encyclique qui souligne le lien intrinsèque entre la vérité, le bien et la liberté. Pour que la perspective morale soit complète, nous devons rappeler que la conscience est toujours la norme immédiate de la moralité personnelle. Elle est incontournable et il n’est possible de faire le bien qu’en l’impliquant. Quand la conscience s’est prononcée, il reste néanmoins à agir, à prolonger dans l’action la vérité discernée, ce qui est l’objet de la prudence, vertu de gouvernement[48]. L’encyclique insiste très peu sur cet élément. Rappelons le rôle de la prudence avant d’expliquer les raisons de cette omission.
La prudence, une vertu d’engagement

Comme exercice de la raison pratique, la prudence est une vertu d’engagement dans le sens où l’entend Thomas d’Aquin : « La réussite de la prudence ne consiste pas dans la simple considération, mais dans l’application à l’œuvre, ce qui est la fin de la raison pratique. Et c’est pourquoi, il serait souverainement contraire à la prudence de manquer cette application ; car de même que la fin est ce qu’il y a de plus important en tout domaine, ainsi manquer la fin est ce qu’il y a de pire »[49]. Portée par la rectitude de « l’appétit », la prudence guide la personne dans l’élection de son choix moral en conformant l’action à sa vérité pratique. Elle donne sa juste mesure à la mise en œuvre de l’idéal visé et cela en trois étapes : la recherche des moyens (consilium), l’appréciation des moyens (judicium), le choix effectif (praeceptum)[50].
La prudence est un aspect subjectif très important de la morale car elle fait concrètement le lien dans la personne entre la valeur de l’acte visé et le bien – qui rend bon – à réaliser. En cela, elle qualifie la personne humaine et la transforme dans l’acte accompli. La prudence ne conduit pas à un relativisme moral, car elle trouve sa vérité dans l’objectivité déterminée par la conscience morale. C’est en ce sens que la prudence n’est pas celle « du scribe », mais « abandon à la volonté de Dieu », le jugement de prudence prolongeant « pratiquement » le jugement de conscience qui détermine quant à lui la vérité ultime à atteindre. Ainsi dans un couple, s’il y a parfois des vérités à se dire (jugement de conscience), il s’agit de trouver les bonnes occasions, les moments favorable pour se les dire (jugement de prudence).
Méprisée par la pensée moderne centrée sur la conscience et la volonté, elle n’est pas une simple habilité mais l’orientation de toutes les vertus vers le bien. Comme engagement de l’homme dans l’action[51], elle permet d’éviter les deux écueils de la lâcheté et de la présomptueuse témérité : « Ainsi, souhaitons-nous ardemment de voir s’enraciner profondément dans les âmes de tous la vertu que S. Paul appelle la prudence de l’esprit. Dans le gouvernement des actions humaines, cette vertu nous apprend à garder un admirable tempérament entre la lâcheté, qui porte à la crainte et au désespoir, et une présomptueuse témérité »[52]. La défaillance de la prudence[53] se vérifiera en pratique dans plusieurs attitudes. En ce qui concerne la recherche des solutions : la précipitation, « le manque de docilité de la mémoire ou du raisonnement ». Au plan de l’acte décidé : renoncement à donner une impulsion, manque de détermination dans l’application, inconstance dans la mise en œuvre. Au service d’un objet mauvais, on parlera de « mauvaise prudence » comme dans la « prudence de la chair » (cf. Rm 8, 7) ou dans « l’astuce » qui fait usage de moyens trompeurs.
Absence de référence à la prudence comme souci pédagogique de Veritatis Splendor

Il n’est pas possible de dire que l’encyclique ne parle pas de la prudence. Elle l’évoque en même temps que de la culture des vertus qui permettent une connaturalité, une mise en relation, entre l’homme et le bien véritable : « Une telle connaturalité s’enracine et se développe dans les dispositions vertueuses de l’homme lui-même : la prudence et les autres vertus théologales [...]. C’est en ce sens que Jésus a dit : ‘Celui qui fait la vérité vient à la lumière’ (Jn 3,21) »[54]. Mais Veritatis Splendor n’insiste pas sur le rôle ultime de la prudence qui détermine exactement l’action à faire. Il semble que ce soit afin que le lecteur ne confonde pas le caractère « inventif » de la prudence avec les théories critiquées par l’encyclique. Deux raisons peuvent être invoquées[55].
La première : les théories évoquées ont été critiquées à cause d’une mauvaise utilisation de la conscience considérée comme « créative » des valeurs, ce qui la conduit à « s’opposer à une observation scrupuleuse des normes universelles »[56]. La seconde raison s’inscrit dans le prolongement de la précédente : l’encyclique vise à mettre un terme à la confusion faite par les modernes entre le jugement de conscience et le jugement de prudence en précisant dans une plus juste perspective le rôle de la conscience.
Nous pouvons dans ces mêmes perspectives discerner une troisième raison : le souci de l’encyclique est de situer le lien entre la vérité – le bien – la liberté dans un rapport objectif, celui de la loi morale. Il ne convenait pas en effet, vu la technicité de la deuxième partie, d’induire chez le lecteur une confusion avec une autre nécessité : le caractère inventif et subjectif du jugement de prudence, étant considéré qu’il ne s’oppose en rien à l’objectivité de la conscience relative à la loi. Nous y voyons là un délicat souci pédagogique que les théologiens moralistes n’oublieront pas de relever.
Le rappel du rapport objectif entre la vérité – le bien – la liberté ne s’inscrit pas dans la perspective d’une morale sans lien avec l’amour. Son enjeu est en effet l’amour lui-même car il prend « le visage d’un être d’amour qui est le Christ » : la liberté « s’accomplit dans l’amour, c'est-à-dire dans le don de soi »[57].
La conscience morale est fondamentalement liée à l’amour interprété par la valeurs transcendantale du beau discerné dans le titre de l’encyclique : « Splendeur de la vérité ». Le rapport étroit entre la vérité, le bien et la liberté ne doit pas être interprété de manière formelle, c'est à dire abstraite. La liberté s’accomplit dans l’amour incarné, parce que lui (le Christ) au centre et évite toute forme de réduction du mystère à l’homme ou au monde. C’est ce que nous dit Hans Urs von Balthasar :
« L’amour ne veut pas d’autre récompense qu’une réponse d’amour, aussi Dieu ne veut-il pour son amour rien d’autre que le nôtre : ‘N’aimons pas en paroles et des lèvres, mais en actes et en vérité’ (1 Jn 3, 18). Placer cet amour en actes premièrement et surtout exclusivement dans une transmission (apostolique) d’homme à homme, ce serait comprendre la révélation de l’amour absolu d’une manière purement fonctionnelle, comme un moyen ou une impulsion au service d’un but humain. Ce serait méconnaître que cet amour est celui d’une Personne, et d’une Personne absolue. Placer l’homme au centre de la vision chrétienne et considérer le christianisme comme une pure éthique, c’est supprimer la perspective théo-logique […]. Car l’amour absolu doit être aimé et exercé, de la part de l’aimant, à l’exclusion de toute concurrence d’objets d’amour relatifs qui deviennent des idoles tant que la finalité absolue n’est pas observée envers l’amour absolu »[58].
Seul l’amour (absolu) est la mesure de la liberté.

2. Joseph Ratzinger, lecteur de Newman

Pour le pape Benoît XVI, alors cardinal Joseph Ratzinger, la question de la conscience est au centre du débat de la théologie morale qui voit deux conceptions s’opposer : « Une compréhension renouvelée qui déploie la foi chrétienne sur la base de la liberté, et un modèle ‘préconciliaire’ dépassé qui soumet l’existence chrétienne à l’autorité donnant des normes de vie jusque dans les domaines intimes de la vie »[59].
La conception de la conscience n’a pas être interprété selon une perspective néolibérale d’autonomie absolue du sujet, mais comme ouverte à sa transcendance : « Mon propre moi est le lieu du plus profond dépassement de moi-même et de cet état où l’on est touché par cet endroit d’où l’on vient et celui d’où l’on va »[60]. Dès lors, le sens de la vérité et du bien sont inscrits en l’homme : ils disent à la liberté comment se dépasser, mais sans s’imposer. Ratzinger se fait l’interprète de Newman : « Ce n’est qu’à partir de ce point de vue qu’il est possible de bien comprendre la célèbre formule de Newman, qui disait que s’il venait à porter un toast à la religion, il boirait à la santé du pape, mais seulement après avoir bu à la santé de la conscience »[61]. Le rôle du magistère n’est pas alors celui d’imposer des commandements de l’extérieur mais il est celui d’un révélateur : « La nouvelle anamnèse de la foi se déploie d’une manière semblable à celle de la Création, dans un dialogue permanent entre l’intérieur et l’extérieur »[62]. Comme un sens intérieur, la conscience morale conduit l’homme là où son être le dirige, qu’il soit chrétien ou non. C’est dans cette perspective que S. Paul écrit : « Les païens sont pour eux-mêmes leur propre loi » ; ils montrent la réalité de cette loi inscrite dans leur cœur, à preuve le témoignage de leur conscience » (Rm 2, 14).
Le vrai sens du magistère est donc celui d’un acte de mémoire :
« Il est l’avocat de la mémoire chrétienne. Il n’impose pas de l’extérieur, il déploie au contraire la mémoire chrétienne et la défend. C’est pourquoi, pour reprendre l’image de Newman, il est effectivement nécessaire de porter un toast à la conscience avant de porter un toast au pape, car, sans la conscience il n’y aurait pas papauté. Elle tire tout son pouvoir de la conscience et est au service du double souvenir sur lequel repose la foi, qui doit en permanence être réadapté, élargi et défendu contre la destruction de la mémoire, menacée autant par la subjectivité oubliant son propre fondement que par la contrainte de la conformité sociale et culturelle »[63].
Si le deuxième niveau de la conscience pour Thomas d’Aquin, rappelé par Ratzinger, est désigné par la notion de « conscientia » véritable capacité de choisir, c’est entant qu’il est inséparablement lié à la base ontologique de l’anamnèse (ou syndérèse) qui s’oppose intérieurement au mal tout en se subordonnant au bien. La conscientia n’est pas un habitus, une qualité de l’être humain, mais un actus qui se compose de trois éléments, la reconnaissance (recognoscere), le témoignage (testificari) et le jugement (iudicare) qui établissent « une connivence entre fonction de contrôle et fonction de décision »[64]. Les conclusions du jugement de la conscience ne peuvent venir seulement d’une pure logique déductive effectuée par l’intelligence, mais elles doivent s’appuyer sur la volonté bonne qui recherche la vérité de l’être.
Si tout homme doit suivre de manière ultime sa conscience et si la conscience même erronée lie la personne, comme le rappelle S. Paul (Rm 14, 23), il n’en reste pas moins que la conviction acquise doit être située dans le processus de son affirmation, en ce qu’elle peut avoir oublié volontairement – et cela est une faute – toute référence à sa base ontologique, c'est-à-dire « l’abandon de mon être qui m’empêche d’entendre la voix de la vérité et son exhortation à l’intérieur de moi »[65]. En deux mots, l’oubli peut être coupable.
Suivre sa conscience – alors que celle-ci est liée à la vérité, c'est-à-dire « à la grâce silencieuse »[66] – a l’effet d’une maïeutique, c'est-à-dire d’une naissance : « C’est là que se situe la nouveauté apportée par le christianisme : le logos, la vérité en personne, est aussi expiation, pardon transformateur au-delà de tout ce dont nous sommes nous-mêmes capables ou pas »[67]. La conscience est morale – ou elle n’est pas – parce qu’elle est libératrice. Portée par la grâce, elle opère une métamorphose intérieure « au-delà de notre propre capacité »[68]. C’est parce que la liberté se reconnaît dans la vérité qu’elle devient profondément libre et cette libération rend le joug de la vérité légère (Mt 11, 30) : « C’est n’est que lorsque nous savons et vivons cela en nous que nous devenons libres d’entendre le message de la conscience sans peur et avec joie »[69].

3. Conscience et obéissance : l’école positive du renoncement
La conscience bonne n’est pas la bonne conscience. La conscience morale recherche la vérité et le bien. Elle ne se satisfait pas de demi-mesure. Si la conscience personnelle décide en dernier ressort, ce n’est pas de manière spontanée, mais au terme d’un discernement, d’une confrontation de soi-même avec la vérité de la loi. Ce cheminement n’est pas sans conséquences. Il n’y a pas de décision droite qui n’engendre pas un réel renoncement. Suivre vraiment sa conscience est crucifiant. Le cardinal français Jean Honoré se fait lui aussi l’interprète de John Henry Newman :
« [Le] plaidoyer résolu pour la conscience ne signifie pas, aux yeux de Newman, la dérive vers un pur subjectivisme qui laisserait à chacun la liberté de penser comme il veut, au gré de ses sentiments et de ses choix. La conscience vient avant la liberté. Elle est le lieu de vérité avant d’être celui de la décision. Et cette vérité qu’identifie la conscience quand elle est seule avec soi, c’est tout le paradoxe de notre condition humaine : notre facilité à concevoir l’idéal et notre incapacité à le rejoindre. Preuve en nous-mêmes de notre dignité et de notre faiblesse. Indice d’un autre absolu qui est celui du Dieu qui nous a faits, qui nous juge et nous appelle. Le préalable de la foi, c’est la disposition pour toute conscience lucide et sincère à accepter qu’un Autre la précède et la conduise. Mais une telle attitude ne s’acquiert pas sans un dur renoncement, un combat avec soi une solution morale qui cherche à lever tous les obstacles qu’une fausse sagesse multiplie sur le chemin de la connaissance spirituelle. ‘Nous faisons avancer la vérité, écrit Newman, par le sacrifice de nous-même’ »[70].
Suivre sa conscience, c’est lui obéir en pratique, c’est entrer dans un « combat spirituel »[71]. Dès lors, qu’est-ce qui distingue la conscience de l’obéissance ? L’Ecriture offre un bon critère pour discerner la véritable obéissance à Dieu. En parlant de Jésus, elle dit « qu’il apprit, de ce qu’il souffrit, l’obéissance » (He 5, 8).
Il ne faut pourtant pas en déduire une loi contraire. La souffrance est la preuve que l’on obéit. Contre toute forme d’autoritarisme, il y a des souffrances qui n’ont pas de raison d’être. Ce n’est pas parce que c’est dur que c’est béni ! L’obéissance se vérifie aussi par un deuxième critère, qui accompagne le premier, à savoir la mort à soi-même : « Le Christ s’est abaissé devenant obéissant jusqu’à la mort sur une croix » (Ph 2, 8).
Toute souffrance peut trouver spirituellement son sens dans la mort du Fils de Dieu qui donne accès à la vie éternelle : « Obéir, c’est mourir. Ici, on découvre la valeur ascétique, ou ‘négative’, que revêt l’obéissance à Dieu ; on découvre comment le fait de ‘faire’ la volonté de Dieu aide, à son tour, à ‘ne pas faire’ sa propre volonté. Rien en effet ne tue autant la volonté propre que d’entrer en contact et en rapport direct avec la volonté de Dieu, car la volonté divine ‘est vivante et efficace, plus incisive qu’un glaive à deux tranchants, elle pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit’ (He 4, 12) »[72].



Conclusion
Pour un rapport dynamique entre la spiritualité, la rationalité et la morale

Obéir à la loi morale soulève de nos jours des résistances. L’obéissance s’accorderait mal avec le respect de la liberté. Comment répondre rationnellement à l’inquiétude que peut susciter chez certains ce replacement de la loi au centre du jugement de la conscience : affirmer la nécessité de l’objectivité du bien visé, n’est-ce pas réduire la valeur de l’action et transformer celle-ci en morale « objectiviste », ce qui conduirait à faire disparaître la liberté et à réaffirmer un esprit légaliste ?[73] La réponse à cette interrogation est négative, notamment en rappelant la position de Thomas d’Aquin qui « fonde la liberté sur la raison que suit la volonté dont l’appréhension ne peut-être déterminée par aucun bien particulier et contingent ». La liberté procède de la raison. Il y a là une différence entre l’appréhension de l’universalité du vrai et du bien et la singularité des actes[74] qui engagent la liberté et la conscience. L’universalité du bien visé dans sa particularité libère la volonté de toute détermination singulière nécessaire. Hans Urs von Balthasar présente ce dialogue incessant entre la vérité et la liberté, en vue du bien, comme le déploiement du mystère de l’être en son fond (Grund), son dévoilement (Enthüllung), son apparition (Erscheinung), son enveloppement (Verhüllung)[75] : la liberté reste autant libre en sa quête d’universalité, « dévoilement du fond », qu’en sa nécessaire singularité qui « apparaît ». Elle est liberté de l’objet et du sujet[76].
Ces affirmations philosophique et théologique permettent de comprendre rationnellement ce que l’homme pressent spirituellement. La liberté de conscience est pleinement elle-même de trois manières cumulatives. 1. Quand elle est notre liberté, elle est pour soi. 2. Quand elle est vraie, soumise à son origine (Dieu), elle est une liberté à soi. 3. Enfin, quand elle est donnée largement aux autres, elle est une liberté de soi.
Ces moments de la liberté qualifient sa valeur[77]. La liberté de conscience requiert donc d’être analysée selon trois dimensions inséparables (à distinguer sans les séparer) : l’ontologie et la spiritualité (qui situent la liberté créée en fonction d’une dépendance originaire), l’anthropologie (qui affirme l’irréductibilité de la liberté personnelle) et la morale (qui interprète la perfection de la liberté en fonction du bien qu’elle fait aux autres).
La liberté de conscience vécue en Dieu se déploie dans ses autres dimensions. Elle devient une liberté spirituelle (ouverte à la grâce) elle-même inséparable d’une liberté morale, c'est-à-dire une liberté qui se donne aux autres et trace un chemin de vie – le bien « de » la personne est en relation intrinsèque avec le bien « pour » la personne[78] – qui unifie la vie spirituelle. Celle-ci lui donne son sens ultime. L’instinct spirituel[79] qui est développé dans la personne par l’action des dons de l’Esprit opère la divinisation de la personne : il devient fils de Dieu par grâce. Prenant en compte ces éléments, l’homme n’est pas « éclaté » par une raison rationaliste ou « écrasé » par une obligation contre nature, il devient libre par l’Esprit : « ‘De son sein couleront des fleuves d’eau vive’. Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui » (Jn 7, 38-39). Mais cette liberté dans l’Esprit n’est pas indépendante de la vérité du Christ, car la première « rend participant tout croyant de la charité du Christ »[80]. C’est pourquoi la liberté spirituelle est aussi une liberté rationnelle et morale. Elle est soumise à la vérité du Verbe de Dieu qui la libère et l’engage. Il existe dès lors toujours un lien intrinsèque entre la vérité, le bien et liberté, ce qui permet d’apprécier à sa juste mesure la coopération de l’homme, son mérite. Le rapport dramatique de l’anthropologie (liberté) et de la sotériologie (vérité) permet de réinterpréter la notion de mérite dans une perspective christologique et morale (bien):
« En réalité, que veut dire la théologie du mérite prise en elle-même ? Avant tout, la conviction que le mérite dérive uniquement de la grâce rédemptrice du Christ (justification) et que jamais l’homme ne pourra l’acquérir de façon autonome […]. Ce qui se conçoit encore plus aisément du fait que la théologie contemporaine a retrouvé la thèse de la fin surnaturelle comme unique fin de l’homme ; cette thèse découle d’une compréhension nouvelle de la doctrine classique de la prédestination conçue comme prédestination dans le Christ. La thèse, dont nous parlons, amène à penser la création comme autocommunication de la Trinité et qui est en même temps élévation, puisqu’elle est fondée sur la conformité au Christ et donc sur le don de la grâce sanctifiante. En second lieu, la thèse du mérite, comme expression de l’agir moral spécifique du chrétien, implique la liberté de l’homme. Elle exige que ce dernier s’engage positivement à l’égard de l’initiative de Dieu dans le Christ […]. Le ‘mérite’ apparaît comme un élément de l’incorporation, laquelle est constitutive de la ‘justice’ chrétienne. Et par-là est mise en relief, en dernière analyse, la liberté qui, dans la grâce, adhère au Christ ». En ce sens, la liberté chrétienne est constituée de quatre éléments fondamentaux : « Initiative justificatrice du Christ, don de l’Esprit, réponse de la liberté, offrande de soi dans le Christ pour les autres »[81].

La liberté de conscience a dès lors une vocation spirituelle et morale et un fondement rationnel. Elle est une liberté raisonnable tout en étant absolument une liberté personnelle. Elle trouve son fondement et son accomplissement dans la personne de l’Homme-Dieu, le Christ qui est « le chemin, la vérité, et la vie » (Jn 14, 6). En lui et par l’Esprit la vérité et la liberté sont indissociables : « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, et vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32).

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[1] Cf. T.-M. Pouliquen, Suivre sa conscience, Paray-le-Monial, Emmanuel, 2005, p. 24. Cité SC. Telle est la thèse de l’ouvrage. Voir aussi Commission Familiale de l’Episcopat Français, Les divorcés remariés dans la communauté chrétienne, 19 juillet 1992, La documentation catholique, n° 2054, p. 705.
[2] Cf. Th. Rey-Mermet, Conscience et liberté, Paris, Nouvelle Cité, 1990, p. 63-66. Voit aussi SC, p. 33-34.
[3] Cf. La perspective proposée par Jean Paul II, Catéchisme de l'Eglise Catholique, n° 1700.
[4] Jean Paul II, Veritatis Splendor, Paris, Mame-Plon, 1993. Cité VS.
[5] H.-U. von Balthasar, Dernier compte rendu, cité par E. Guerriero, Hans Urs von Balthasar, Paris, Desclée, Coll. Mémoire chrétienne, 1993, p. 361. SC, p. 37-41.
[6] Cf. J. Ratzinger, Valeurs pour un temps de crise, Paris, Parole et Silence, 2005, p. 73-78. Voir aussi le Collectif, La Coscienza, Roma, Libreria Editrice Vaticana, 1996.
[7] Cf. C. Caffarra, Viventi in Cristo, Siena, Cantagalli, 2006, p. 119.
[8] Jean-Paul II, Catéchisme de l’Eglise Catholique, n° 1778.
[9] Cf. J. Russ, « Conscience », Dictionnaire de philosophie, Paris, Bordas, 2002, p. 54-55.
[10] Cf. O. de Berranger, « Conscience et infaillibilité dans l’Apologia de Newman », NRT 129 (2007), p. 177-188.
[11] Lettre de Newman citée dans le Catéchisme de l'Église catholique, n° 1778.
[12] J.-H. Newman, « La conscience », Lettres au Duc de Norfolk, Paris, D.D.B., 1970, p. 253.
[13] « Myself and my Creator ». Cf. J. Honore, J.-H. Newman. Un homme de Dieu, Paris, Cerf, 2003, p. 22. Le Cardinal Jean Honoré commente : « La foi chrétienne a son credo dont il dira que le mystère du Christ est la ‘vérité centrale’. Mais cela ne l’empêche pas qu’elle implique et qu’elle contienne l’assurance qu’il n’est pas d’authenticité pour l’expérience religieuse sans la ferme certitude de la finitude du moi et de la grandeur de Dieu ».
[14] J. Ratzinger, Valeurs pour un temps de crise, op. cit., p. 73-78.
[15] J. Honoré, Présence au monde et parole de Dieu. La catéchèse de Newman, Paris, Mame – Fayard, 1969, p. 55. Pour les deux citations de J.-H. Newman, Grammaire de l’assentiment, p. 336, citée par J. Honoré, Ibid., p. 54.
[16] Cf. P. d’Ornellas, Liberté, que dis-tu de toi-même. Vatican II 1959-1965, Paris, Parole et Silence, 1999.
[17] Concile Vatican II, Dignitatis humanae, n° 3. Pour un commentaire de cette déclaration sur la liberté religieuse, voir les actes du colloque organisé par les trois facultés de théologie de Paris. Collectif, Pour une conscience vive et libre. Dignitatis humanae, une déclaration prophétique de Vatican II, Paris, Parole et Silence, 2006.
[18] Ce texte du Concile Vatican II, Gaudium et spes, n° 16, est aussi cité dans CEC n°1776, VS, n° 54.
[19] Ibid., n° 17.
[20] SC, p. 149-180.
[21] Nous renvoyons non seulement au livre de L. Melina, La morale entre crise et renouveau, Bruxelles, Culture et Vérité, 1996 ; mais aussi à la préface faite par Jean-Louis Bruguès.
[22] Jean-Louis Bruguès, quant à lui, en distingue une quatrième : il s’agit pour lui « des éthiques du ‘consensus social’ ou du ‘compromis’, parfois désignées sous l’expression technique d’éthiques procédurales ». Ibid., p. 8.
[23] J.-L. Bruguès, « Proportionnalisme », Dictionnaire de Morale Catholique, CLD, 1991, p. 355.
[24] « D’après ces auteurs, dans la vie morale, le rôle clé-clé serait à attribuer à une option fondamentale, mise en œuvre par la liberté fondamentale grâce à laquelle la personne décide pour elle-même de manière globale, non par un choix précis, conscient et réfléchi, mais de manière transcendantale et athématique ». VS 65.
[25] J.-L. Bruguès dans la préface de L. Melina, La morale entre crise et renouveau, op. cit., p. 7.
[26] Pour un résumé rapide, G. Cottier, « L’encyclique Veritatis Splendor », Nova et Vetera, 1994/1, p. 3-5.
[27] Jean Paul II, Catéchisme de l'Eglise Catholique, n° 1731.
[28] Ibid., n° 1733.
[29] S. Pinckaers, Pour une lecture de Veritatis Splendor, Paris, Parole et Silence, 1993, p. 42.
[30] Ibid., p. 43.
[31] VS, n° 41. Cf. G. Cottier, « L’encyclique Veritatis Splendor », art. cit., p. 5-6.
[32] Pour Joseph Ratzinger – dont nous développerons la pensée plus loin – la conscience, à la suite de Thomas d’Aquin, a deux niveaux. 1. L’anamnèse comme couche ontologique du phénomène de la conscience morale est la mémoire de l’identité de la personne morale. Elle indique la vraie direction vers laquelle l’être veut s’orienter. 2. La conscientia détermine quant à elle le jugement moral proprement dit. Elle est un acte qui se compose en trois éléments : la reconnaissance, le témoignage et le jugement. Cf. J. Ratzinger, Valeurs pour un temps de crise, op. cit., p. 73-81.
[33] Ibid., p. 74.
[34] VS, n° 50-60.
[35] J. Ratzinger, Valeurs pour un temps de crise, op. cit., p. 75.
[36] G. Cottier, « L’encyclique Veritatis Splendor », art. cit., p. 7.
[37] VS, n° 76.
[38] C. Caffarra, Viventi in Christo, Siena, Cantagalli, 2006, p. 109. Trad. de l’A.
[39] Cf. S.-Th. Pinckaers, Les sources de la morale chrétienne, Fribourg – Paris, Editions Universitaires – Cerf, 1993. Pour un résumé : La morale catholique, Paris, Cerf-fides, coll. « Bref », 1991.
[40] C. Caffarra, Viventi in Christo, op. cit., p. 112.
[41] G. Cottier, « L’encyclique Veritatis Splendor », art. cit., p. 12.
[42] Ibid., p. 13.
[43] VS, n° 78.
[44] Cf. Fr. de Lacoste Lareymondie, « La voie étroite de l’objection de conscience », Liberté politique 36 (2007), p. 101-127.
[45] Il s’agit, plus profondément encore que d’une analyse froide de l’acte moral considéré seulement à partir de son objet, de l’intention et des circonstances, de parler du péché à l’intérieur de la miséricorde de Dieu. Cf. L. Melina, La morale entre crise et renouveau, op. cit., p. 102.
[46] VS, n° 64.
[47] VS, n° 84.
[48] La prudence est la vertu de gouvernement. L’art de gouverner est aussi l’art du possible, c'est à dire d’agir est fonction de ce que la réalité historique permet de mettre en œuvre en vue du bien des personnes et du bien commun. Le jugement de prudence fait atterrir le jugement de conscience dans le domaine de la temporalité, du rapport de forces, des circonstances.
[49] Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIa-IIae, q. 47, a. 1, ad. 3. Cité par Y. Floucat, « Les fondements de la morale dans Veritatis Splendor », R.T. XCVI (1996/II), p. 296.
[50] Cf. A. Patfort, « La prudence et les vertus qui s’y rattachent », La Somme de Thomas d’Aquin et la logique du dessein de Dieu, Paris, Parole et Silence, 1998, p.168-173.
[51] Pour ces dernières affirmations, nous renvoyons à la revue Communio qui a consacré un thème à ce sujet. Cf. Les articles de R. Hureaux, G. Sodano, J. Splett, « La prudence », Communio, 1997/6.
[52] Léon XIII, Encyclique Sapientia Christiana, n° 47.
[53] A. Patfort, « La prudence », art. cit., p. 172.
[54] VS, n° 64.
[55] Cf. Y. Floucat, « Les fondements de la morale dans Veritatis Splendor », art. cit., p. 297-298.
[56] VS, n° 55.
[57] VS, n° 87.
[58] H.-U. von Balthasar, L’amour seul est digne de foi, coll. Foi vivante 32, Paris, Aubier-Montaigne, 1966,
p. 137-138.
[59] J. Ratzinger, Valeurs pour temps de crise, op. cit., p. 53.
[60] Ibid., p. 75.
[61] Ibid., p. 76.
[62] Ibid., p. 77.
[63] Ibid., p. 78.
[64] Ibid., p. 79. Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I, q. 79, a. 13.
[65] Ibid., p. 81.
[66] H.-U. von Balthasar, Herrlichkeit. Eine theologische Ästhetik 3/1. Im Raumen der metaphysik, Einsiedeln, Johannes Verlag, 1965, p. 112.
[67] J. Ratzinger, Valeurs pour temps de crise, op. cit., p. 83.
[68] Ibid.
[69] Ibid., p. 84.
[70] J. Honoré, Newman. La fidélité d’une conscience, coll. Veilleurs de la foi, Chambray-lès-Tours, C.L.D., 1986, p. 67-68.
[71] J. Ratzinger, Valeurs pour temps de crise, op. cit., p. 66.
[72] R. Cantalamessa, L’obéissance, Nouan-le-Fuzelier, Editions des Béatitudes, 1990, p. 53-54.
[73] C’est aussi la difficulté que soulèvent les adversaires de Thomas d’Aquin quand ils posent la question : la volonté n’est elle pas nécessitée par le bien parfait ? Celui-ci répond que même envers le bien parfait, nous conservons la liberté d’agir et de ne pas agir. Lire l’exposition du problème dans S. Pinckaers, Les sources de la morale, op. cit., p. 399-404.
[74] Ainsi, on peut préciser ce que rapporte Thomas d’Aquin via la pensée de Pinckaers grâce à l’analogie entre l’agir naturel et l’agir volontaire : « Le propre de l’action volontaire réside en ce que l’appréhension du bien par l’intelligence est de caractère universel, engendrant dans la volonté une inclination vers le bien dans toute son universalité, alors que l’action elle-même est particulière [...] [l’inclination des facultés spirituelles] vers la vérité et le bien universels crée une ouverture vers l’infini qui rend la volonté libre à l’égard de tous les biens finis et particuliers, parmi lesquels on peut ranger l’acte lui-même du choix, qui est contingent et singulier ». S. Pinckaers, Ibid, p. 399.
[75] Deux références pour cette analyse. P. Ide, Etre et mystère, Bruxelles, Culture et Vérité, 1995. H.-U. von Balthasar, La Théologique. Vérité du monde, Namur, Culture et Vérité, 1994.
[76] Lorsqu’il analyse la vérité comme liberté, Balthasar distingue deux sections, la liberté de l’objet et la liberté du sujet. H.-U. von Balthasar, Ibid., p. 85. 113.
[77] Cf. P. Ide, Eh bien dites don : don, Paris, Ed. de l’Emmanuel, 1997.
[78] Cf. L. Melina, Cristo e il dinamismo dell’agire, Roma, Mursia, 2001, p. 144-155.
[79] Cf. SC, p. 142-148.
[80] C. Caffarra, Viventi in Christo, op. cit., p. 124.
[81] A. Scola, « Christologie et morale », NRT, 109 (1987), p. 397-398.

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